Françoise, elle cause, elle cause …
10ans | 17 juin 2009Françoise, peux-tu te présenter ? La profession te connait depuis 10 ans à travers SIG-la-Lettre, mais avant cela ?
Françoise De Blomac, rédactrice en chef de SIG-la-Lettre
J’ai fait des études à la fois scientifiques et littéraires, puis de géographie : le DESS de Carto à Paris 1, devenu depuis le master Carthageo.
Ensuite je suis partie au Canada faire une thèse. Je me suis vite arrêtée et je suis rentrée en France, en 1987 ou 1988 environ.
Ma première expérience professionnelle a été chez ADDE, qui était alors une petite boite de 7 personnes, qui faisait plutôt du graphique. C’était bien avant qu’elle ne distribue Mapinfo en France. Je me suis attelée aux spécifications et à la documentation de ‘Cartes & Bases’. Ensuite je suis passée à la communication chez Intergraph, qui faisait alors aussi bien des processeurs, des machines, de la mécanique, de l’électronique, que du SIG. J’ai retrouvé un environnement purement SIG chez Esri, où j’ai passé 6 ans à la comm’ et au marketing. Mais ce n’était pas les solutions Esri ou MapInfo ou Intergraph qui m’intéressaient, c’était ce que les gens faisaient avec.
J’ai donc décidé de créer mon journal. Un journal en français, qui parlerait d’information géographique.
SIG-la-Lettre a aussi fêté ses 10 ans, en 2008, au mois d’octobre dernier.
Je ne pratique plus la géomatique, et je le vis très bien. Il n’y a par exemple pas de tests de logiciels dans SIG-la-Lettre. Je considère que ce n’est pas le rôle d’un journaliste, qui est plutôt de prendre du recul.
Comme Zazie dans le métro, je cause, je cause, c’est tout ce que je sais faire !
Quel est ton violon d’Ingres ?
Je ne dirai pas violon d’Ingres, mais j’ai d’autres activités qui font partie de mon existence : l’écriture et le théâtre.
De quelles évolutions notables de la géomatique peux-tu témoigner ces 10 dernières années ?
Plein de choses ont changé durant ces 10 dernières années !I
Il y a d’abord eu une grosse période d’évolutions purement techniques, informatiques. La géomatique s’est adaptée à Windows, au web. Ces évolutions ont sorti les géomaticiens de leur petit cercle de techniciens. On s’est mis à diffuser plus d’info.
La donne est en train de changer fondamentalement avec la propagation du web, et la manière dont le web est pris en mains.
D’après toi, vers quelles directions se situe l’avenir de la géomatique ?
A mon avis, c’est la fin des détenteurs de savoirs techniques.
On va avoir besoin de négociateurs, d’animateurs, tels que ceux des dynamiques régionales. La force de proposition vient quand les gens se rencontrent, se parlent entre eux. Les professionnels de la géomatique doivent s’insérer dans des dynamiques de communautés thématiques.
On va aussi avoir besoin de spécialistes INSPIRE qui ont la connaissance des données et des organismes.
Quelle est ta perception de la géomatique en France par rapport aux autres pays (d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Asie, d’Afrique) ?
C’est quelque chose que j’ai du mal à apprécier.
Je perçois une singularité entre les pays à structure fédérale, et ceux à structure centralisatrice.
La région correspond à une maille géographique où l’on réussit à régler les problèmes, à travailler ensemble. Selon les régions (ou Länder allemands), l’avancement est très divers. En Espagne, on parle toujours de la Catalogne ou de la València, mais dans certaines régions, il n’y a rien du tout.
Dans les pays à structure centralisée, on retrouve les mêmes problèmes que chez nous, les mêmes difficultés d’organisation des uns et des autres. Ceci dit, on a toujours l’impression que les autres (les anglais, les allemands, …) sont meilleurs que nous. En regardant mieux, on s’aperçoit qu’ils ont des problèmes strictement identiques aux nôtres. J’en ai eu confirmation récemment en discutant avec des allemands aux rencontres des IDS à Strasbourg.
Certes, on est dans un pays moins riche, moins organisé que la Suisse.
On est sur des techniques jeunes, complètement liées à l’aménagement du territoire, donc à la puissance publique, collectivités locales ou état. Cet outillage technique oblige les acteurs à se positionner, à travailler ensemble, ou à refuser de le faire. En France depuis 10 ans les collectivités n’ont jamais réussi à parler d’une seule voix. Il ne faudrait pas que seules les grosses collectivités, avec des services sig en place depuis longtemps, pilotés par des gens ayant des formations de topographes, prennent la parole au nom de toutes les collectivités. Mais c’est enfin en train de changer…
La crise économique a t’ elle un impact sur ton activité ?
Un peu, oui.
Une petite chute des abonnements, rien de sensible sur les réabonnements.
Quel est ton avis, ton regard sur l’open-source ?
Après le temps des 2 camps des éditeurs dressés l’un contre l’autre, on sent que tout le monde a envie de gagner de l’argent. Dans la géomatique, le libre est en voie de grande professionnalisation. Les modèles économiques vont gentiment évoluer. Car comme le dit François Elie dans son livre [1], le libre n’est plus libre à partir du moment où des sociétés y investissent. Dès lors qu’il y a investissement, il y a sentiment de propriété
Le libre change les choses plus par les comportements (d’achat notamment) que par la technique.Face à l’homogénéisation des solutions et à la restriction des deniers publics, personne ne peut plus se permettre d’avoir sa propre application de gestion du cadastre (ou des chemins de randonnée ou autres) développée pour soi-tout-seul. Et là aussi, il faut travailler ensemble.
Cela ne va pas forcément faire les choux gras de certains éditeurs et sociétés de services (quoique …).
Le libre a aussi remis le développeur sur le devant de la scène, lui qui n’était pas particulièrement mis en valeur.
[1] François Elie : Économie du logiciel libre – Éditions Eyrolles http://izibook.eyrolles.com/9782212124637
Quel est ton avis, ton regard sur les globes virtuels (Google Earth, Virtual Earth, Nasa World Wind) ?
Google Earth est une vraie révolution. Pas par la technique, mais par les usages qu’il induit, et parce que c’est Google qui l’a fait. Si c’était Esri qui avait fait GE (d’ailleurs la Nasa l’avait fait avant), ca n’aurait été qu’une évolution technique.
Les globes virtuels mettent l’information géographique à la disposition du grand public.
Les géomaticiens vont devoir changer leurs outils, leurs pratiques, leurs interfaces. Il n’est plus possible de faire une carte ou une légende avec 10 boites dans 5 menus, alors que tu fais sensiblement la même chose en 3 clics avec Google Maps.
Que dirais-tu à un jeune qui hésite/qui pense à faire des études de géomatique ?
Qu’il y aille ! c’est un métier passionnant, mais pas simple, qui demande des compétences très variées.
Depuis combien de temps connais-tu GeoRezo, et comment es-tu arrivée à le connaitre ?
J’ai observé ce qui se passait sur GeoRezo dès le début. A la même époque, georama débutait aussi.
Je commençais avec SIGLL, et je me demandais si ca n’allait pas être de la concurrence. J’ai rencontré Fred et les gars du GeoRezo assez tôt. Chacun a bien compris en quoi les 2 pouvaient être complémentaires. Petit à petit, ça s’est mis en place. J’ai laissé les offres d’emplois, qui marchaient mieux sur GeoRezo. Pour les Geo-communiqués, ça a été long, autant de mon fait que du vôtre, mais on a fini par y arriver
Qu’apprécies-tu le plus, qu’apprécies-tu le moins sur GeoRezo ?
On n’a pas le sentiment d’une évolution vers le haut des débats. GeoRezo étant devenu une référence, les gens se lâchent moins, ils savent qu’ils vont être lus par la profession. Il ne faut pas croire que les gens peuvent s’exprimer partout sur le web. GeoRezo est devenu un outil de communication maîtrisée comme un autre.
C’est pour cela que des actions comme les Rencontres restent très utiles pour avancer, si on veut que les gens se parlent.
Quels services utilises-tu sur GeoRezo (forums, Job/CV, Biblio, Agenda, Annuaire, Wiki, Blogs) ?
Je suis abonnée aux forums géomatique, webmapping et géomarketing.
La biblio et l’annuaire me sont utiles. Et je vérifie dans votre agenda si je n’ai rien loupé dans le mien.
Que viens-tu chercher sur GeoRezo ?
Pour moi c’est un outil d’écoute avant tout. Je participe peu, ce n’est pas mon rôle.
Je m’en sers aussi pour lancer des appels, selon mon planning rédactionnel.
Que penses-tu de GeoRezo ? Lâche toi !
Je dois quand même commencer pas dire que GeoRezo fait partie de mon paysage, et avouer que s’il n’était pas là il me manquerait, sincèrement.
Il a un problème de ‘surcharge pondérale‘, du nombre de messages ! Quand je vois 50 messages après une absence de 2 jours, je lis rapidement les titres, et tout part à la poubelle.
Quelle question aimerais-tu poser à GeoRezo ?
Pas une, mais deux questions :
Comment trouvez-vous le temps de faire tout ça ?
C’est quand même un sacré fil à la patte. Je suis impressionnée de voir que vous continuez à y arriver, alors que vous avez tous des boulots prenants, pour certains une vie de famille et tous, je l’espère, des hobbies ou des violons d’Ingres. Vraiment, mon admiration est sincère. Ayant moi-même un site web que j’essaie d’alimenter, je me rend compte de l’énergie que cela demande.
Quand est-ce qu’il y aura plein de filles dans l’équipe de modération ?
Oui, oui, c’est une incitation à la discrimination positive …
Quelle question souhaites-tu que GeoRezo te pose ? … et quelle est ta réponse à cette question ?
Ah, là, je suis prise au dépourvu, je n’ai pas d’idée qui me vient.
Sélectionne dans les archives des forums du GeoRezo tes échanges préférés, ceux qui t’ont marquée, amusée, étonnée, énervée…
L’échange autour de la carte de Nice et de la vision des montagnes enneigées [1].
Pourquoi ce choix :
Elle montre une véritable vigilance et a été l’occasion de débats de fond…
[1] http://georezo.net/forum/viewtopic.php?id=58884
Les nombreux échanges sur le CNIG, la convergence parcellaire, l’évolution de l’IGN.
Pourquoi ce choix :
Ce sont des sujets politiques que je suis dans SIG la Lettre et les échanges sur GeoRezo me permettent de situer les paroles des uns et des autres, même s’il y a parfois de la mauvaise foi et des redites…
Françoise, merci !!
Propos recueillis par Bruno Iratchet
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