« Zablo », inventeur du nom de domaine GeoRezo
10ans | 22 juin 2009Olivier Zablocki est l’inventeur du georezo, à la fin des années quatre vingt dix. Nous l’avons rencontré dans un café parisien, le 3 juin dernier (2009). Pour tous les quatre, c’était notre première rencontre.
Bruno Iratchet, Frédéric Pouget et Nicolas Klein
Bruno : nous sommes peu nombreux à connaître les origines de GeoRezo. Peux-tu nous raconter son histoire, ses premières années ?
Il m’arrive de raconter cette histoire d’un point de vue naturellement très subjectif. Je dois faire quelques erreurs de chronologie mais la présence de Frédéric Pouget va m’aider à les corriger.
Dans mon souvenir, tout commence à l’époque où Valentin Lacambre, créateur d’Altern, décide d’arrêter son service que nous étions plusieurs dizaines de milliers de webmestres à utiliser. C’est la conséquence de l’affaire Estelle Hallyday, et des dispositions prises par l’Etat rendant très peu sécurisée la situation des hébergeurs, surtout celle d’un hébergeur gratuit comme lui, un hébergeur indépendant, administrant seul son service, et n’ayant donc pas facilement la capacité de répondre à la multiplication des demandes judiciaires. Lorsqu’il décide d’arrêter le service Altern, Valentin fait la proposition de transmettre librement les sources du serveur d’hébergement Altern. L’idée, le slogan même, en plaçant les sources à disposition de tous, est en somme :
« Que mille serveurs Altern naissent ! »
Des projets d’hébergement sont alors développés tel Ouvaton qui existe toujours et qui se construit sur le modèle d’une coopérative, et l’Autre.net, qui existe toujours également, et qui se lance sur une formule associative. Ouvaton prend assez vite son autonomie par rapport aux sources d’Altern, tandis que l’Autre.net, avec notamment Jérome Moinet et Benjamin Sonntag, mais aussi beaucoup d’autres contributeurs que je ne connais pas, poursuivent la réflexion sur les sources d’Altern, procèdent avec l’aide de Valentin à une totale refondation sous le titre d’AlternC. Aujourd’hui, on peut télécharger gratuitement sur AlterC.org le logiciel de gestion d’hébergement. Mission accomplie donc. Et parmi les projets d’origine il y a celui que j’avais proposé : GeoRezo dans des termes que l’on peut encore retrouver aujourd’hui sur Uzine.
Fred : mais AlternC est postérieur à GeoRezo.net ?
Oui, tout cela est postérieur. L’idée d’un « Altern like » dédié à l’information géographique me trottait dans la tête depuis un moment. J’ai déposé le nom GeoRezo.net à peu près au même moment où je déposais RadioPhare.net qui fut très présent au moment du naufrage de l’Erika (12 décembre 1999).
(NDLR : voir également ci-dessous)
Fred : GeoRezo était là avant le naufrage. Je crois que c’était avril 1999.
Oui, la correction est juste. RadioPhare.net a été créé en juin 1999 donc 3 mois après GeoRezo.net. Ce qui explique d’ailleurs assez bien ce qui s’est produit sur RadioPhare au moment du naufrage de l’Erika. En juin 1999, l’idée était de monter un système d’information et de vigilance sur les littoraux de la côte Atlantique… six mois « en avance » sur le naufrage donc. Il y a eu alors de nombreux échanges avec des géographes et des géomaticiens, comme Benoît Veler un des tout premiers à apparaître. Dès le jour du naufrage les géomaticiens se sont mobilisés avec des personnalités très diverses comme Georges-Antoine Strauch et Hélène Durand. Cela a donné en quelques jours des applications de suivi des nappes de pétrole, renseignées par des observations collectées à la fois par des officiels et des gens du terrain. Des cartes de RadioPhare se sont retrouvées au journal de 20h de TF1. A l’époque il n’y avait aucune pratique de l’information publique temps-réel dans les services de l’Etat, du côté de la Marine Nationale ou de Méteo-France. Tout le monde a improvisé. A la fin de l’année 2000 le Cedre a organisé une journée d’information « Le poids d’Internet dans la lutte contre une pollution accidentelle majeure ». Cela a ressemblé à une réunion d’anciens combattants.
Il y aura une suite puisqu’Hélène présentera son travail aux Géos d’Or (Géo-Evènement 2001, concours placé sous le signe de la citoyenneté) et recevra le 1er prix. Il y aura même une émission du « Dessous des cartes ».
Fred : mais ce n’est qu’un épisode ?
Oui, oui, je regarde les choses de ma petite colline. D’autres projets démarrent dans ce contexte également, dont GeoRama.net de Benoît Veler et GeoPhiles.net ; mais il n’y a qu’une seule équipe qui commence à occuper pleinement le domaine GeoRezo.net
Fred : Oui et puis quand Altern a fermé, je suis parti avec le forum sur eGroups. Mais cela n’a pas duré car Voilà a racheté eGroups sans que l’on puisse dire un mot. puis Yahoo! a racheté eGroups quelques mois plus tard.
Nous aurions pu alors récupérer le domaine « geomatique.net » et nous étions alors un sous-domaine de GeoRezo (georezo.net/geomatique, puis rapidement geomatique.georezo.net).
Mais nous n’étions pas les seuls sur le domaine principal ; il y avait un truc avec des anciens étudiants, un site de covoiturage à Grenoble…
Oui, TaxiWeb Il y a même eu un gag avec ce site. La Fédération des Taxis de Province, qui m’a menacé de poursuites si nous utilisions ce nom.
Fred : il y avait aussi Atari, un jeu de musique sur Atari, qui est resté plusieurs années sur GeoRezo. Il y a eu aussi le PAN, un site pirate du Canard Enchaîné.
Oui, c’est ça, je m’en souviens.
Fred : mais ce qui était troublant, rétrospectivement, c’est que nous étions plusieurs à disposer des accès sur le serveur. Pourquoi ?
Mais c’était ça l’esprit du serveur.
Tu étais le seul qui racontait un projet pleinement collectif, quand les autres histoires étaient plus personnelles.
Fred : et les listes régionales, alors ?
C’est vrai que j’ai essayé des listes régionales, pour participer à l’échelle régionale. Mais il n’y avait que deux ou trois régions où l’on débattait.
Mais au fait, savez-vous d’où vient le mot georezo ?
GeoRezo est un écho du minirézo. Le MiniRezo aussi, ça peut se raconter !
Vers 1995, l’un des tout premiers webzines en France, s’appelait La Rafale, avec comme emblème le kalachnikov, et fut créé par David Dufresne, journaliste à Libé, puis aujourd’hui à Mediapart. David Dufresne avait de nombreux fans, aux premiers rangs desquels Arno*, le Scarabee.com. Le MiniRezo a émergé dans ces eaux là, un réseau de webmestres indépendants qui a donné naissance au « Manifeste du Web Indépendant » et au premier Uzine.net, où le MiniRezo publiait collectivement en se partageant un accès FTP. C’est de cette expérience qu’est né le projet de créer le système de publication SPIP, un cms, avec des chevilles ouvrières majeures comme Pierre Lazuly, Arno*, Philippe Rivière, Antoine Pitrou. Mais je fais l’impasse sur tellement de personnes que le mieux est de se référer à « L’histoire minuscule et anecdotique de SPIP ».
Et savez-vous pourquoi ça s’appelle SPIP ?
L’acronyme est supposé signifier « Système de Publication pour l’Internet Partagé », mais la légende (donc la vérité vraie) c’est que SPIP était le nom du bateau de Pierre Lazuly qui vivait en Bretagne et qui rendait hommage au petit compagnon de Spirou. D’ailleurs l’emblème de SPIP est bien un écureuil. Vous voilà avec une devinette à proposer à vos amis pour vos longues soirées d’hiver : trouver le chemin qui mène de Spirou à GeoRezo !
Nous avons échangé plus de deux heures avec Olivier. Malheureusement, le magnétophone que nous avons utilisé n’a pas su enregistrer les seuls propos d’Olivier, et la musique du bar où nous nous trouvions rend délicate la retranscription de l’entretien. Une nouvelle fois, nous tenons à remercier Olivier pour sa première invention, et son don.
A l’heure où l’une des listes de diffusion francophone les plus anciennes s’arrête (http://fr.wikipedia.org/wiki/Biblio-fr), nous espérons poursuivre l’aventure, en pensant aux débuts d’Olivier ([uZine 3] Georezo.net).
Bonjour Olivier, Oui merci à Olivier pour l'évocation de
heleneBonjour Olivier,
Oui merci à Olivier pour l’évocation de ces années folles. l’Erika notamment..Epoque, ou faire naitre un réseau sur la toile était du domaine de l’aventure, porté par des visionnaires dont tu faisais parti….et ou l’accès à une donnée aussi simple que le trait de côte n’était pas évidente, et encore moins de la mettre sur le net !
Mais les temps changent, allez voir justement le géoportail de la mer, un scan continu terre-mer vous y attend …Quand à la citoyenneté qui s’exprimerait à travers de la carto sur le net, la clairement y’ a encore beaucoup à faire !
Helene
Bonjour, Je tombe par hasard sur cette page de 2009 en
HenrotBonjour,
Je tombe par hasard sur cette page de 2009 en essayant de retrouver les traces d’Olivier. Je suis Elise Henrot, qui animais avec Nicolas Rémy-Thomas le site Geophiles.net.
C’est marrant, j’aurais cru que les intervieweurs avaient depuis bien longtemps rencontré « Zablo le fédérateur » en chair et en os. Tous ces noms cités dans l’interview me semblent si familiers et pourtant je ne les connais qu’à travers la toile.
Pour la petite histoire, Geophiles est en sommeil, caché derrière Geoscope, entreprise que nous avons fini par créer avec Nicolas en 2008 et que nous essayons de faire vivre en gardant à l’esprit des termes et acronymes qui nous tiennent à cœur : économie solidaire, coopétition, intérêt commun… pas facile face aux préjugés que suggèrent les mots « entreprise » et « sarl » !
Amicalement,
Elise
Bonjour Elise, Souvenir, souvenir... Si besoin, j'ai conservé une email pour contacter
BrunoBonjour Elise,
Souvenir, souvenir…
Si besoin, j’ai conservé une email pour contacter Olivier Zablo.
Bruno