Charles, la photogrammétrie et les étoiles
10ans | 23 juin 2009Charles, pouvez-vous vous présenter ?
Charles Lemaire. J’ai 30 ans. Je travaille chez INPHO GmbH (société du groupe Trimble GeoSpatial)[1] à Stuttgart en Allemagne depuis la fin de mes études, donc depuis 2003. Je fais du développement de logiciel de photogrammétrie, plus particulièrement sur les traitements de données LIDAR.
Ma formation : classes prépas et l’INSA de Strasbourg, puis l’université de Stuttgart dans le cadre d’un programme Erasmus.
[1] ndlr : http://www.inpho.de/
Quel est votre violon d’Ingres ?
La pêche l’été et l’astronomie l’hiver. Je pratique l’observation du ciel profond et la recherche automatisée de supernovae avec une caméra CCD de 1 MegaPixel, montée sur un télescope robotisé de 40 cm de diamètre. Du beau matériel pour un club amateur.
(ndlr : voir en illustration une image réalisée par l’auteur)
Quelles sont les évolutions notables de votre activité ces N dernières années ?
Mon N sera de 6.
Je retiens le passage du développement pur, à la conception de la chaîne de production de produits.
J’ai aussi beaucoup testé l’utilisation de MNS pour la production d’ortho vraie.
D’après vous, vers quelles directions se situe l’avenir de la géomatique ?
Dans le domaine de la photogrammétrie, l’avenir est dans le tout numérique, par l’abandon du support papier, forcément 2D, au profit de la 3D virtuelle.
Quelle est votre perception de la géomatique en France par rapport aux autres pays (d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Asie, d’Afrique) ?
Toujours pour le seul domaine de la photogrammétrie : nettement en retard !
A cela j’ajoute quelques constatations, et avance quelques explications :
- comme la topographie, en France la photogrammétrie est séparée du SIG. Elle est moins enseignée qu’en Allemagne, où chaque Land (région) a une université de photogrammétrie. De ce fait, on retrouve un manque de compétences dans les collectivités territoriales, et la valeur d’estime de la photogrammétrie y est moindre.
- L’IGN-fr garde son marché et concentre en interne son savoir-faire. En Allemagne, les Länder sous-traitent leur production, favorisant ainsi la diffusion des compétences.
- En Hollande, en Allemagne, en Suède, on voit des appels d’offres passées par des villes. En France, rien ou presque, à part l’Institut Forestier National (IFN).
- Nos clients francophones sont en Afrique et dans le Pacifique.
- Le salon GéoEvènement est (était) d’un coût double voire triple que le coût d’InterGeo, son homologue allemand qui a un rayonnement européen. Pour les sociétés comme la nôtre, le choix est évident !
Je suis persuadé que le fédéralisme favorise le géospatial, et plus particulièrement la photogrammétrie. Voyez en Espagne, en Suisse, en Allemagne … tout ne se passe pas forcément à la capitale.
La crise économique a-t-elle un impact sur vous ?
Non, tant que nous tournons sur des budgets de l’état. Le ralentissement de la croissance touche l’industrie automobile, très importante en Allemagne, mais pas au-delà.
De plus, le groupe Trimble pratique l’ouverture sur le marché asiatique.
Quel est votre avis, votre regard sur l’open-source ?
C’est très bien en R&D, mais ça a ses limites.
A mon avis, ce n’est pas viable pour une solution industrielle dont on attend des gains de productivité, et pour laquelle la pérennité et l’ergonomie sont des facteurs-clés.
Je pense également que la période du savoir-faire ouvert est derrière nous. Dans l’industrie, on montre ce qu’on sait faire, on ne dit plus comment on le fait.
Quel est votre avis, votre regard sur les globes virtuels (Google Earth, Virtual Earth, Nasa World Wind) ?
C’est un bon moyen de faire connaître nos métiers.
Pour la photogrammétrie, j’y vois la fin du modèle unique ‘il n’y a d’autre produit que le produit haute précision’, pour le modèle à 2 niveaux de qualité :
- le ‘produit pour voir’, parfait pour les états des lieux, livrable dans la semaine
- et le ‘produit pour mesurer’, de précision industrielle
Que diriez-vous à un jeune qui hésite/qui pense à faire des études de géomatique ?
Fais autre chose !
Encore une fois, je ne parle que de photogrammétrie. La valeur d’estime du métier est bien moindre que pour le génie civil par exemple. On voit couramment des élus féliciter des ingénieurs pour la réalisation d’un pont. Cherchez donc l’équivalent pour un ingénieur-photogrammètre …
Ajoutez à cela le marché et les salaires en baisse, pour une productivité, elle, en hausse.
Depuis combien de temps connaissez-vous GeoRezo, et comment êtes vous arrivé à le connaitre ?
Depuis 2005. Je cherchais un forum qui me permette de garder contact avec la profession francophone.
Qu’appréciez-vous le plus, qu’appréciez-vous le moins sur GeoRezo ?
Outre la francophonie, comme je viens de l’expliquer, j’apprécie le dialogue ouvert, la cordialité, l’absence de dogmatisme.
Les contributeurs n’y ont rien à perdre, et n’y viennent pas pour ‘chercher la petite bête’.
Quels services utilisez-vous sur GeoRezo (forums, Job/CV, Biblio, Agenda, Annuaire, Wiki, Blogs) ?
Les forums uniquement.
Je pense que le wiki n’a pas sa place sur GeoRezo, et serait mieux directement sur Wikipedia.
Que venez-vous chercher sur GeoRezo ?
Pour moi c’est un outil de promotion de la photogrammétrie, et aussi de veille commerciale.
Que pensez-vous de GeoRezo ? Lâchez-vous !
GeoRezo est nécessaire. Dommage qu’il n’existe que grace à des bénévoles, et non des universitaires. Ce qui y est fait ne relève pas du hobby.
Quelle question aimeriez-vous poser à GeoRezo ?
Le Georezo a dix ans, quels sont les projets pour les 10 prochaines années ?
Quelle question souhaitez-vous que GeoRezo vous pose ? … et quelle est votre réponse à cette question
• Quelles sont les récentes évolutions de la photogrammétrie susceptibles de faire évoluer la géomatique ?
- A court terme :
Principalement les prises de vues obliques. Pour l’instant les prises de vues obliques sont utilisées pour la visualisation, pas pour faire de la photogrammétrie ou de la restitution. En effet les clichés issus des prises de vues obliques ne sont pas intégrés dans l’aérotriangulation, certaines chambres ne sont même pas métriques.
- A moyen terme :
L’exploitation conjointe des données 3D issues de la photogrammétrie ou des Laser aéroportés et des données multi spectrales notamment R,V,B,IR va permettre une automatisation fiable de la reconnaissance des zones devant être mises à jour, simplifiant ainsi les travaux du géomaticien. De plus les traitements classiques comme l’orthophoto seront quasiment totalement automatisés.
- A long terme
L’utilisation conjointe de données aéroportées et terrestres ouvre véritablement la voie de la Géomatique en 3D.
Sélectionnez dans les archives des forums du GeoRezo vos échanges préférés, ceux qui vous ont marqué, amusé, étonné, énervé…
• Générer un couple stéréo a partir d’un MNT ?
Pourquoi ce choix : A la question ainsi posée, la seule réponse était : c’est impossible !
• Réception de réalisation d’un plan photogrammétrique au 1/2000
Pourquoi ce choix : Comme indiqué dans ma réponse, cet échange montre à quel point la photogrammétrie n’est pas assez connue.
Charles, merci !!
Propos recueillis par l’équipe du GeoRezo
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