Conférence INSPIRE 2017 : discours de Serge Bossini à Strasbourg
Monsieur le Secrétaire d’État,
Monsieur le Président de la Région,
Monsieur le Maire,
Messieurs les Directeurs généraux,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais tout d’abord excuser le ministre Nicolas HULOT.
Vous le savez peut-être, le Président MACRON et le Gouvernement sont engagés dans une transformation profonde de la société française. Même si les journées que vous allez vivre dans cette conférence sont au cœur des enjeux de modernisation que mon Gouvernement veut porter en France, l’ampleur de la tâche explique qu’il n’a pas pu venir aujourd’hui nous rejoindre.
Monsieur le Secrétaire d’État, il est frappant de voir à quel point le responsable français que je suis aurait pu reprendre votre discours à son compte. Nous devons 1) veiller à ce que le changement ait du sens pour les acteurs, avec une approche adaptée. 2) Impliquer les entreprises. Et 3) trouver le bon équilibre entre sécurité et diffusion de données.
Je voudrais souligner, pour ma part, que cette conférence est organisée à l’initiative de la France et de l’Allemagne, avec un soutien important de la Commission européenne. Elle représente à mes yeux la construction européenne dans ce qu’elle a de meilleur, c’est-à-dire ouverte, coopérative, constructive, soucieuse d’avancées concrètes.
La directive INSPIRE était ambitieuse, et peut-être même, à certains égards, utopique ; mais il est bon que l’Europe soit ambitieuse. Et l’utopie ouvre souvent des pistes opérationnelles intéressantes. Dix ans après, sans doute, certains points doivent être revus à la marge. Mais c’est bien peu par rapport aux bouleversements que l’irruption du numérique a provoqués dans nos vies depuis 2007. L’ambition élevée d’INSPIRE s’est révélée à la hauteur de ces bouleversements.
C’est la bonne nouvelle. INSPIRE a été une étape importante pour la diffusion structurée des données environnementales. En France, elles étaient en ligne déjà pour la plupart depuis le début des années 2000 ; mais INSPIRE nous a permis de les standardiser et de les diffuser selon des modes interopérables, pour permettre la création de services en aval. Nous n’avons peut-être pas toujours pu suivre le rythme que le calendrier de la directive prévoyait. Les obstacles au changement ne sont pas principalement techniques. Dans des sociétés humaines complexes comme les nôtres, il faut être aussi déterminé que patient. Le dernier rapport de la France le montre, nous avons maintenant un certain nombre d’éléments qui en atteste la réussite. Donc la bonne nouvelle, c’est qu’INSPIRE, ça marche.
Par rapport au côté cliquant, tape-à-l’œil, parfois poudre-aux-yeux du numérique, INSPIRE souffre pourtant d’un handicap. INSPIRE est une infrastructure. Or, une infrastructure, c’est quelque chose de souterrain, solide, mais qui n’est pas fait pour être montré… Je vous avoue que les portails INSPIRE de données environnementales sont souvent, à mon goût, déroutants, peu ergonomiques. Les messages et informations sont souvent peu compréhensibles, bref, ce n’est pas facile d’en faire une démonstration convaincante devant un haut responsable politique – sans parler de nos concitoyens.
M. le Secrétaire d’État, je parle bien entendu de la mise en œuvre en France ! C’est sans doute différent en Allemagne.
Aujourd’hui les ministres, les décideurs politiques, et donc les gens, vos parents, vos conjoints, attendent de l’administration quelque chose d’aussi simple que ce qu’on a là-dessus, sur son smartphone. Je sais que certains États membres sont très avancés sur ce plan. En France, nous avons encore beaucoup de progrès devant nous.
Cela doit nous conduire à envisager l’étape d’après. Dans mon ministère, elle consiste à voir comment cette masse de données, libérée par les politiques d’opendata et par la mise en œuvre d’INSPIRE, peut être valorisée pour maintenant faciliter la vie des gens.
Cet objectif très simple, faciliter la vie des gens, rend nécessaires quatre changements d’attitude de la part des producteurs de données, notamment dans l’administration.
Premièrement, il faut toujours se rappeler que la donnée n’est pas une fin en soi. Il faut « activer » les données, il faut les rendre utiles. À cet effet, il faut renforcer le lien entre les développeurs – et il y en a beaucoup dans cette salle – et les agents en charge des métiers des autorités publiques comme la protection de l’environnement, l’urbanisme, la prévention des risques majeurs, et toutes les missions de nos différents ministères et de nos différentes autorités publiques.
Ce lien doit être aussi mieux établi avec les usagers et les entreprises privées, y compris les entreprises privées non-numériques, qui sont, en réalité, dans nos domaines, assez souvent ceux qui rendent la vie possible à nos concitoyens.
Deuxièmement, nous devons régulièrement nous poser la question : « est-ce que vous consommez vos propres données ? ». Qui parmi vous, dans la salle, consomme ses propres données via des services externes ?
Toutes celles et ceux qui ont eu à convaincre une administration d’ouvrir telle ou telle base de données ont sans doute partagé cette anecdote : le responsable du service statistique vous dit que c’est impossible d’ouvrir les données en question parce qu’elles sont de trop mauvaise qualité, et que si on les place en opendata, ça va se voir. C’est pourtant avec ces mêmes données que nous faisons prendre des décisions à nos dirigeants !
Tant qu’on ne s’en sert pas vraiment, on ne sait pas ce que « vaut » une donnée. Nous devons nous assurer, nous-mêmes, que les données que nous publions sont « activables », « consommables » par d’autres. Et si nos propres services n’arrivent pas à les utiliser, c’est que notre travail n’est pas achevé.
Le troisième changement, c’est que la distinction entre infrastructure et superstructure est de moins en moins nette. La vieille séparation entre un « backoffice » et un « frontoffice » est de moins en moins pertinente pour ce qui concerne les systèmes d’information. Cela signifie qu’il faut maintenant animer un continuum d’acteurs qui va du gestionnaire de bases de données à la communauté d’utilisateurs, en passant par des éditeurs, des collectivités, des entreprises et des particuliers, des associations bénévoles, des ministres et des agents publics sur le terrain.
Ce sont tous les éléments de cette chaîne qui concourent à la meilleure protection de l’environnement et au meilleur service public. Ceux-là doivent être capables d’utiliser nos données avec la même simplicité.
En France, sous le nom d’État-Plateforme, notre traduction de « Government 2.0 », nous cherchons à faire circuler ces masses d’information au service des bénéficiaires finaux – et bien évidemment dans le respect de leur vie privée. Nous cherchons à le faire en mobilisant les communautés de bénéficiaires, de développeurs, de responsables de services publics et de producteurs de données.
À ce titre, nous facilitons l’innovation interne par ce qu’on appelle des « start-ups d’État ». C’est une formulation paradoxale, mais qui fonctionne très bien : nous mettons des agents volontaires en position d’entrepreneur à l’intérieur des ministères, en leur donnant des moyens et du temps, de façon à ce qu’ils puissent se consacrer pendant 6 mois, par exemple, à temps plein, au développement d’un produit, d’un service qui simplifie massivement les processus administratifs, dans une logique de meilleur service à l’usager.
Le quatrième et dernier changement que je veux citer ici porte sur tout ce qui n’est en général pas considéré comme une « donnée » par l’administration : les documents d’urbanisme, les décisions préfectorales, les arrêts de jurisprudence, les rapports d’évaluation, etc. Il existe une masse considérable de documents écrits qui sont essentiels pour enrichir les données géographiques fournies par INSPIRE.
À l’heure actuelle, la plupart de ces documents ne sont pas « lisibles par une machine », alors que leur valeur ajoutée pour utiliser les données à bon escient est parfois déterminante. Nous lançons actuellement des projets d’intelligence artificielle pour apprendre à nos machines à lire les documents d’urbanisme. Nous espérons arriver vite à des résultats utiles pour concilier au mieux construction et environnement.
En résumé : activons nos données, utilisons-les nous-mêmes, animons les communautés et partons à la conquête de nouvelles sources.
Cette logique se retrouve dans le sous-titre que nous avons collectivement souhaité pour cette conférence. « INSPIRE out of the box », c’est être capable de changer notre vitesse d’adaptation. Car il s’agit désormais non seulement d’apporter un service, des informations, des droits, des capacités d’agir à nos concitoyens : nous devons le faire avec une qualité de service, une richesse de sens, une reconnaissance de chacun, qui soient à la hauteur de ce que nous avons tous pris l’habitude d’avoir sur nos smartphones.
Je sais que cette conférence sera pour vous l’occasion de travailler ensemble et de réfléchir ensemble à ce que peut être la mise en œuvre effective de ces changements sur la base commune qu’est INSPIRE. Je vous remercie de votre écoute et je vous souhaite une excellente conférence.
Opening Plenary: INSPIRE working together across borders for environment and digital society
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