Hiérarchie des normes (juridiques)
Suite à certains échanges et interpellations sur la hiérarchie des normes, c’est-à-dire quels textes juridiques s’imposent aux autres, j’ai dû creuser un peu le sujet. Cela peut sembler un peu éloigné du thème de ce blog, mais vous n’imaginez pas comment les textes sur le droit de la donnée, les référentiels d’interopérabilité, les règlements européens et autres décrets français se télescopent ces temps-ci, sans compter que la négociation sur le règlement européen relatif à l’interopérabilité (= les spécifications des annexes II & III) entre dans sa phase décisive. Et les pauvres techniciens que nous sommes sont parfois, à tout le moins, hésitants. Enfin, quitte à avoir rédigé quelque chose en interne, autant le partager, n’est-ce pas?
En fait, c’est facile : tous les textes législatifs et règlementaires français sont inopposables à un règlement européen. Une directive européenne entre en vigueur une fois transposée, c’est-à-dire traduite, en droit français.
Dans notre cas, la loi est désormais le Code de l’environnement, avec trois décrets purement français.
On a donc la hiérarchie des textes suivante : règlements et directives européens (car leur adoption est contraignante), lois nationales, décrets, arrêtés. Reste le cas, il est vrai assez théorique dans notre domaine, de la clé de voûte : traités européen ou Constitution?
En première approximation, la position formelle de Légifrance est simple : la Constitution française est la référence absolue des juges français.
En contrepoint, la thèse de droit public de C. Bramy montre que, tout compte fait, il y a discussion entre la Constitution et les normes supra-nationales (à partir de la page 110 jusqu’à la page 131).
L’article 54 de la Constitution interdit de ratifier un traité contraire à celle-ci sans l’avoir modifiée même si l’expression de hiérarchie des normes fait l’objet de débats doctrinaux : puisqu’on est obligé de modifier la Constitution, est-elle vraiment la clé de voûte?
Toutefois, il arrive que le contrôle du traité vis-à-vis de la Constitution ne soit pas fait. Alors, le juge applique la supériorité de cette dernière sur la mise en œuvre du traité;
Pour autant, le juge européen (Cour européenne de justice) considère le droit communautaire comme nécessairement supérieur au droit interne, quel qu’il soit (page 124).
Au final, le Conseil constitutionnel reconnait la prévalence du droit communautaire sans admettre sa supériorité sur la Constitution (là, je plie le genou devant la supériorité linguistique du juriste!). La suite de la thèse montre que la notion de hiérarchie des normes s’efface, dans sa relation avec le droit communautaire, pour une relation de partage des rôles.
En conclusion, quand on aime certains jeux intellectuels, c’est rigolo comme tout, le droit!
(Dédié à Clément)
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