n(n-1)/2 conventions
Pourquoi revenir une nouvelle fois sur les conventions ?
Parce que la directive INSPIRE est principalement une directive sur le partage des données géographiques publiques et que les conventions pourraient être le principale obstacle au partage.
Il se trouve qu’il y a peu, dans la même semaine, j’ai reçu trois projets de conventions. Au même moment, le projet de décret sur le partage passait au Conseil d’Etat. Sa parution au Journal officiel sera l’occasion d’évoquer le partage de données soumises à restriction qui justifient mieux l’existence de conventions).
Les trois projets étaient plutôt dans la bonne moyenne, assez courts (5 pages) et clairs, mais tous caractérisés par une vision de contrôle a priori que je qualifierais de tâtillon. C’est-à-dire, « je diffuse mais je veux savoir à qui et pour quoi faire ».
Cette état d’esprit est incompatible avec INSPIRE, au même titre que l’apnée est incompatible avec la traversée de la Manche. Nous devons, en effet, partager nos données avec les autorités publiques. Dans un département, cela signifierait signer n(n-1)/2 conventions bilatérales entre autorités publiques du département. En poussant le raisonnement à son terme, l’ordre de grandeur serait de 80 000 conventions (par département !). Sans parler des conventions avec les autorités publiques voisines, régionales, nationales… Se lancer dans ce scénario, soyons clairs, c’est vraiment prouver aux décideurs qu’on a des effectifs en trop !
Au fait, bien entendu, il est hors de question de partager ses données avec l’agglomération A et pas avec la B sous prétexte qu’un grain de sable quelconque a empêché cette dernière de signer avec M. le Préfet ou M. le président du Conseil général.
Une solution intermédiaire serait de signer des conventions entre les autorités publiques et l’animation régionale. Mais cela signifie quand même des centaines de conventions. Les animations régionales en ont-elles les moyens? N’est-ce pas là un obstacle pratique au point d’utilisation, au sens de l’article L127-8 du Code de l’environnement ? A mon sens oui, pour ce qui ressort des données de diffusion non restreinte.
Alors, les uns et les autres m’expliquent ce qu’apportent ces conventions (reconnaissance de la valeur de la donnée, reconnaissance de la valeur de son propre service reviennent le plus souvent). Sans doute. Permettez-moi de signaler tout de même qu’on ne peut pas prétendre mettre en œuvre cette directive avec ces procédés, et que le mouvement Open Data, pour les collectivités, et Etalab, pour l’Etat, montre que les priorités s’orientent peu à peu vers la valorisation du partage (voir l’excellente illustration de la valeur ajoutée apportée par des tiers à de la donnée publique, ici parisienne).
Pour compléter, voir les tags « restrictions » et « conventions«
Tags: accéder, convention, données, impacts, INSPIRE, juridique
31 mai 2011 à 16:22
Bonjour,
Pour faire suite à ce billet et à ses différentes références, notamment à la mission Etalab, on peut se référer à la circulaire du Premier Ministre du 27 mai 2011 qui vient de définir les principes généraux et le champ d’action de cette mission :
http://blog.etalab.gouv.fr/article-data-gouv-fr-mettre-a-disposition-librement-facilement-et-gratuitement-le-plus-grand-nombre-de-donn-74879777.html. Question : en quoi cette mission et la transcription en cours d’INSPIRE convergent ou, au contraire, divergent, si c’est le cas ?
Concernant la diffusion des données du domaine du patrimoine culturel au titre d’INSPIRE, dont certaines sont de nature scientifique et des productions de la recherche publique, il n’est pas d’emblée évident de pouvoir affirmer qu’elles sont concernées, pour tout ou partie, par la directive INSPIRE.
Dans ce seul domaine, l’article L124-2, modifié par la loi n°2005-1319 du 26 octobre 2005 – art. 2 (JORF 27 octobre 2005) stipule que la Directive concerne la diffusion d’information relative à l’environnement (et non pas de toute donnée géographique comme certains ont tendance à le dire et à l’écrire par extrapolation hâtive) en incluant dans la définition de celle-ci toutes les informations du « patrimoine culturel, dans la mesure où (elles) sont ou peuvent être altéré(e)s par des éléments de l’environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ».
Il s’agit là d’une délimitation restrictive du « patrimoine culturel » concerné par INSPIRE et nécessite une évaluation de cette altération ou de son risque par des autorités habilitées à cette fin. Sait-on comment cette évaluation est-elle faite ? Cela fait-il référence à la notion de site classé et/ou protégé ou l’évaluation doit-elle s’appuyer sur une appréciation différente de celles liées à ces notions réglementaires concernant les patrimoines culturels et naturels (loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque).
Merci par avance pour vos éventuels propres éclairages, éclaircissements, clarifications, … et autres lumières pour y voir un peu plus clair dans ce tunnel d’INSPIRE (bientôt classé au Patrimoine Mondial de … la Bureaucratie), au moins pour ce qui concerne le champ du patrimoine culturel.
A n’en pas douter, le Ministère de la Culture et de la Communication devrait clairement se positionner sur ce sujet… à moins qu’il ne l’ait déjà fait.
6 juin 2011 à 10:18
La mission d’Etalab couvre un champ nettement plus large que celui d’INSPIRE, celui de la directive Réutilisation des données publiques (dite PSI, transposée en France dans la loi 78-753 dite loi CADA). Je corrige votre information : l’ordonnance de 2005 ayant conduit à l’article L124-2 du Code de l’environnement est la prise en compte en droit français de la convention internationale d’Aarhus. L’analyse que vous faites ensuite repose donc sur une base juridique inappropriée.
INSPIRE couvre un champ complémentaire à celui d’Etalab puisque c’est celui du partage entre autorités publiques des seules données géographiques. Le fait que la transposition en droit français d’INSPIRE reprenne de nombreux éléments de la loi CADA est une source d’homogénéité bienvenue. De mon point de vue, cela converge nettement!
Comme ces textes juridiques forment une assez belle complexité, je rappelle (art. L127-1) qu’INSPIRE s’applique à toutes les séries de données géographiques concernant au moins un des thèmes en annexe.
Sur la recherche et la culture : je ne connais aucun texte qui exclut leurs données géographiques du champs d’INSPIRE. Elles sont donc dedans, avec les restrictions d’usage. Les sites protégés pour des raisons de patrimoine culturel sont explicitement inclus dans l’annexe I.
17 juin 2011 à 9:59
Merci pour ces précisions et les corrections apportées à mon approche du problème. Je ne suis pas juriste et n’ai pas de compétence particulière pour émettre un avis d’expert dans ce domaine. Je m’interrogeais seulement (et j’espère légitimement), sur les conditions d’application de la Directive INSPIRE dans le champ du patrimoine culturel dont j’avais du mal à comprendre l’acception de ce terme pour les acteurs d’INSPIRE.
Je souhaite bien du plaisir et du courage à tous les acteurs du patrimoine culturel qui sont donc concernés par la transposition de la Directive afin de pouvoir se mettre en conformité avec elle.