Redessiner les contours de la Politique de la Ville
Le contexte de la réforme
La géographie prioritaire de la Politique de la Ville s’appuie aujourd’hui sur différents zonages accumulés au fil des années et des dispositifs : zones urbaines sensibles (ZUS), zones de revitalisation urbaine (ZRU), contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), … « Cette sédimentation a conduit à une géographie complexe, fonctionnant à la manière de « poupées russes » : en emboitement de territoires et périmétres, présentant chacun des avantages et des financements propres […]. Cette accumulation de zonages a conduit à la dilution et au saupoudrage des moyens. » (extrait « Réforme de la géographie prioritaire – présentation de la méthodologie« ).
A l’heure où il s’agit de concentrer les moyens pour s’adapter à des ressources rares et s’assurer de leur efficacité, l’Etat a donc voulu engager un réforme de la géographie prioritaire en simplifiant la géographie actuelle et en regroupant les différents périmètres en un seul.
Les moyens de cette réforme
L’Etat a décidé de s’appuyer sur les travaux de l’INSEE pour conduire cette réflexion.
- D’une part en s’appuyant sur cette technique des carreaux pour faire abstraction des contours existants avec une vision continue du territoire.
- D’autre part en y associant des indicateurs socio-économiques permettant de caractériser ces territoires.
C’est finalement un critère unique qui a été choisi, le revenu fiscal, permettant de mettre en évidence les « concentrations urbaines de pauvreté ». Des agrégats de carreaux sont constitués (voir notre article précédent), devant rassembler au moins 1 000 personnes et dont le revenu médian doit être inférieur à un seuil (60% du revenu médian de référence). La référence prend en compte à la fois la distribution nationale des revenus et celle de l’agglomération. Au niveau national le seuil des bas revenus est de 11 250 euros par an, sur l’exemple fourni sur Amiens, il est à 10 200 euros.
Pourquoi un seul indicateur ?
Plusieurs études ont montré que la variable sur les revenus était fortement « corrélée » aux autres variables classiquement utilisées en matière de diagnostic socio-économique du territoire : nombre de chômeurs, de jeunes, de familles mono-parentales, d’immigrés, de bénéficiaires de l’APL, et de logements sociaux.
Cette variable calculée sur les revenus médians est considérée comme un résumé des autres variables permettant de repérer le décrochage d’un territoire. C’est pour ça que l’on parle d’une variable fortement « corrélée » aux autres. « Si le niveau moyen des revenus n’a pas beaucoup d’importance, les inégalités revenus expliquent pour une bonne part la ségrégation. »
Ce choix a fait l’objet de débats nourris et notamment l’intervention de Hervé Guéry, directeur du COMPAS, un bureau d’étude spécialisé dans l’observation sociale. Il considère qu’un seul indicateur ne peut refléter entièrement la situation sociale du quartier et que cet indicateur n’est pas dynamique. D’autres se sont interrogés sur la pertinence même des zonages comme Daniel Béhar avec une accroche très parlante : « Les inégalités territoriales sont elles solubles dans le zonage ? »
Où sont les cartes ?
Il n’est pas possible de visualiser les cartes, les mailles, produites par l’INSEE pour le ministère.On peut en avoir un aperçu avec l’indicateur correspondant aux bas revenus à partir des données livrées par l’INSEE. Mais attention, ce n’est pas le même indicateur que celui livré au ministère : revenu moyen winsorisé et % de ménages à bas revenu, alors que le SGCIV (CGET maintenant) utilise le revenu médian des carreaux. Par ailleurs ces cartes réalisées à partir des données diffusées sur insee.fr n’intègrent pas la pondération visant à prendre en compte la distribution des revenus de l’agglomération et non la seule distribution nationale. .
A partir des agrégats de carreaux, le travail du SGCIV consiste à déterminer de vrais contours de quartiers, prenant en compte la géographie, le terrain. Ils sont annoncés pour la fin du mois de mai; ils seront donc peut-être adressés aux collectivités la semaine à venir . S’ensuivra une phase de concertation avec les collectivités. Ces dernières pourront faire remontrer des propositions de modifications qui seront examinées avec l’appui de l’Insee, afin de vérifier que les propositions respectent les critères.
Dans les milieux de la politique de la Ville s’exprime une forte attente mêlée d’inquiétudes car on va passer de 2 492 quartiers inscrits dans les CUCS (contrats urbains de cohésion sociale) et 751 en ZUS (zones urbaines sensibles) à 1300 quartiers. Les discussions doivent permettre ensuite d’enclencher rapidement, à l’automne, les travaux sur les nouveaux contrats de Ville qui engloberont les différents dispositifs en la matière.
Nul doute que les débats seront nourris !
Pour aller plus loin :
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/la-carte-de-la-nouvelle-geographie-prioritaire-de-la-ville
http://www.ville.gouv.fr/?la-nouvelle-geographie-prioritaire,3140
http://www.liberation.fr/societe/2013/11/17/la-pauvrete-vue-du-ciel_947633
Article précédent : La stat en carrés
Article rédigé avec l’aide de Benoit et Brigitte
Date: Sunday 25 May 2014 à 08:58
Catégories: L'essentiel