vendredi, 19 avril 2024

Modéliser l’urbanisme

Pourrait on imaginer, dessiner, l’avenir de nos villes ? En cliquant simplement sur un bouton ?

Les modèles de développement urbain peuvent ils aider à prévoir les développements à venir ? L’intérêt pour l’urbaniste est de procéder à des analyses «automatiques» et scientifiques plutôt qu’à des extrapolations subjectives pour vérifier ses hypothèses.

Ces modèles reposent sur des approches statistiques, notamment des analyse multi-critères, et/ou sur des automates cellulaires. Ces techniques se sont développées au milieu des années 70 dans les domaines mathématiques, des sciences économiques et du génie industriel. Aux abords des années 2000 ils ont trouvé de nouvelles applications à des problématiques spatiales en intégrant les sig. La combinaison sig + amc (analyse multicritères) est « une voie privilégiée pour faire évoluer les sig vers de véritables systèmes d’aide à la décision ».

Dans un modèle spatial, les objets sont à la fois des supports de traitement statistique et de traitement spatial :

  • L’objet en lui même est, quelle que soit l’échelle, une représentation et une simplification de la réalité.
  • Les modèles de géotraitement s’attachent aux interactions entre les objets.

Il existe plusieurs méthodes de mise en œuvre du point de vue des calculs que l’on peut classer de manière simplifiée en trois catégories, qui peuvent se combiner entre elles, où l’usage du sol que l’on veut modéliser est représenté sous une forme : booléenne (vrai/faux), de somme pondérée linéaire (des pourcentages), et de listes ordonnées qui introduisent une dimension plus qualitative avec des critères introduits par des regards d’experts.

Deux types de support spatial existent :

  • les données vecteur qui ouvrent un ensemble limité d’actions potentielles
  • les données matricielles qui ouvrent un ensemble d’actions plus grandes.

En realité, les deux supports peuvent se mélanger : une parcelle peut être utilisée comme un outil de collecte de données de la même manière que pour une matrice.

J’ai répertorié une belle liste de modéles aux noms plus ou moins évocateurs : urbasim, spacelle, estevol, alpage, remus, geopensim, …  Je vais m’attarder sur trois d’entre eux, plutôt bien documentés, tout en tâchant (et c’est là une sacrée difficulté) de rester très simple dans la description.

Le modèle UrbanSimul V2 développé par Ghislain Geniaux de l’unité écodéveloppement de l’INRA s’appuie sur une maille parcellaire.

A partir de la parcelle sont rattachées une série d’informations obtenues notamment par traitement géomatique : rattachement des différentes contraintes d’urbanisme avec des critères d’importance, informations sur les proximités d’équipement ou de voirie, regroupement des parcelles en unité foncière …

En intégrant les informations sur les différentes contraintes environnementales classées par ordre d’importance, on estime le niveau d’inconstructibilité théorique des unités foncières. Par croisement des différentes couches de contraintes, les unités foncières constructibles sont redécoupées pour évaluer et délimiter le gisement foncier mobilisable sur l’ensemble du territoire.

En tissu urbain existant, ce gisement peut être requalifiée de manière à repérer le potentiel existant en renouvellement urbain. Le modèle tient compte également d’une série d’analyses statistiques sur les densités de logement par type de commune et par type de zonage d’urbanisme.

Le module diagnostic propose une synthèse détaillée du processus d’urbanisation et de sa régulation dans le passé à différentes échelles territoriales, évalue localement les gisements fonciers et identifie la nature des propriétaires qui le détiennent. Il s’accompagne également d’un module de dépôt pour maintenir à jour les données sur les zonages et les contraintes d’urbanisme.

Le dernier module qui est justement le module pronostic devrait aboutir d’ici la fin de l’année. Il permet de simuler finement les conséquences spatiales de différents modes de régulation de l’urbanisme selon différents scénarios démographiques. Il intègre notamment les phénomènes de report de pression foncière entre communes voisines en fonction des contraintes (foncier physiquement mobilisable) et des choix locaux sur l’offre foncière (gisement foncier mobilisable).

Précisons que ces travaux s’inscrivent dans le cadre d’une convention cadre entre l’INRA, la région PACA, la DREAL, le CRIGE PACA et le CETE. Les zones test ont couvert le périmètre de 3 SCOT en Vaucluse (version V1), Nice (NCA), Arles et Gap (version V2, tests en cours). Le modèle traite l’ensemble de la région PACA soit plus de 5 millions de parcelles.

Le modèle Spacelle a été de son côté développé par Patrice Langlois dans le cadre du laboratoire MTG de l’université de Rouen. La modélisation se fait ici à partir d’une maille carrée ou hexagonale appelée cellule. Cette cellule agrège des informations à la fois sur elle même (son état) et sur son voisinage. Elle évolue en fonction d’une série de règles, 25 exactement.

Par exemple une friche peut devenir une zone pavillonnaire s’il n’y a pas d’industrie à proximité et s’il y a des commerces ou un centre-ville proche. Autre exemple : la construction d’habitat social sur des terrains constructibles est possible sans dépasser le seuil de 20% et à proximité du réseau routier ou de zones résidentielles.

Cette méthode a été appliquée à l’agglomération Rouennaise à partir de la comparaison de trois occupations du sol construites à partir des cartes IGN. La différence spatiale entre l’observé et le simulé entre 1950 et 1994 n’est que de 7%. Il apparaît néanmoins des ruptures dans les logiques spatiales et notamment pour ce qui concerne les grands ensembles. Par ailleurs on peut imaginer que les règles varient selon les régions, la forme du tissu bâti, et les pratiques d’urbanisme.

Déplaçons nous maintenant vers la Rochelle avec le modèle de Frédéric Rousseaux. Il s’agit là de mesurer l’impact des documents d’urbanisme sur la maîtrise de l’étalement urbain. Le modèle s’appuie là encore sur le parcellaire et le bâti issus du cadastre et les informations associées quelquefois incomplètes.

Les PLU sont analysés à l’aide de juristes puis transformés en probabilités de construction, en fonction de plusieurs critères (COS, hauteur de bâtiment, règlements, etc…). L’espace de référence est ici l’îlot bâti ou la commune. Les déplacements de la population (déménagements/emménagements) sont alors simulés en fonction de différents critères d’attractivité dans l’espace urbain (espaces verts, services, etc.). Les ilots évoluent alors  par étalement ou par densification, en fonction de cette attractivité et de la probabilité de construction.

Sur le modèle de La Rochelle, des données historiques disponibles sur 50 ans valident l’évolution. Plus récemment, des travaux ont aussi été conduits sur Nantes Métropole.

Les points communs qui ressortent de tous ces travaux :

  • la nécessité de s’appuyer sur une analyse diachronique c’est à dire de posséder des données historiques en matière d’occupation des sols et de droit des sols,
  • l’introduction d’une série de contraintes plus qualitatives que purement mathématiques tenant aux différentes contraintes d’urbanisme mais également aux règles applicables au développement urbain.

Comme en économie, ces modèles sont encore loin d’être réellement capables de décrire l’avenir, par leur nature même, mais également car ils ne peuvent prendre en compte les évolutions réglementaires et toutes les dimensions de choix politiques influant sur l’aménagement et l’urbanisme. Un modèle est plutôt une « représentation simplifiée de la réalité en vue de la comprendre et de la faire comprendre ».

Les modèles sont intéressants de manière rétro-active, en étudiant en quoi et où le modèle diffère de la réalité. Ce sont des outils plus pour comparer que pour décider et encore moins pour prédire.

Pour aller plus loin :
http://www.mgm.fr/libergeo/modele
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=EG_324_0357
http://vertigo.revues.org/8682
http://vertigo.revues.org/11561
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/81/98/30/PDF/SIMTOOLSrousseaux.pdf
http://www.geomatique-aln.fr/IMG/pdf/6-INRA_observation_fonciere_cle09366c.pdf
http://sig2011.esrifrance.fr/iso_album/esri11_art_balzarini.pdf
 
Article rédigé avec l’aide de Benoit et l’appui de Ghislain Geniaux et Frédéric Rousseaux

Laisser un commentaire


Commentaires RSS TrackBack 2 commentaires

françois

le 18 janvier 2014

Cela me laisse aussi sceptique que le carroyage de l’INSEE: un PLU est d’abord un outil politique, que l’on adapte plus ou moins selon les volontés de la collectivité et des opportunités détectées ou désirées par un éventuel promoteur… Cela dépend aussi et avant tout des niveaux de prix, de la rentabilité des opérations, et de la finalité des PLU: souvent rester entre soi, plus souvent que s’engager vers un processus de développement, que l’on ne maîtrise qu’imparfaitement, et dont les conséquences peuvent être lourdes pour la collectivité (réseaux, écoles, équipements…) sans pour autant que les budgets puissent suivre…


olivier Lemaitre

le 2 décembre 2016

Bonjour

je recherche à savoir s’il existe sur le marché plusieurs logiciel/modèle de modélisation de l’étalement urbain.
Quand je dis sur le marché … sont ils accessibles ? peut-on s’en servir pour faire une activité commerciale?.
SI jamais vous passez sur ce forum un peu ancien, j’ai besoin d’une réponse très rapide
merci d’avance


- Faire un don - Contact - Mentions légales -